Fin du Tour du Monde -

Dimanche 10 mai à 20H00, le Tour du Monde s’arrête définitivement. Nous venons de nous faire voler 10 000€ de matériel vidéo, c’est la cerise sur le gâteau!
Nous avions évoqué la possibilité de reprendre la route vers Walvis Bay, de trouver un bateau … etc, etc. Serge ne pouvant admettre que cela puisse s’arrêter là, mais l’état des finances n’est pas joyeux et racheter un bateau de toute façon inenvisageable à moins de faire un prêt personnel à la banque! Bref, cela ne nous a pas empêché de regarder les cartes et de tirer des plans sur la comète tous plus ou moins réalistes. Suite au vol de ce soir, il faut se rendre à l’évidence plus de bateau, plus de matériel pour rapporter un film sur la partie africaine. Quelle sera la prochaine étape!
Il est 20H00, fin de l’histoire.
Ce lundi 11 mai, sera un jour de communication pour nous. Prévenir l’AFP soit la presse, nous n’avons jamais eu autant d’appels. Prévenir, les partenaires, les amis, la famille, les souscripteurs…
Serge vit son premier abandon sur un tel challenge mais la raison l’a emporté. Depuis vendredi matin, la situation n’est plus maitrisable et Serge part comme une flèche direction le Nord. Les vagues se durcissent jusqu’à 4 mètres, elles n’ont pas un sens déterminé et leur fréquence est très rapprochée. Un vent de 6 à 7 sur l’échelle de Beaufort soit entre 25 à 30 noeuds rend la dérive incontrôlée et incontrôlable. Serge a vécu 60 heures enfermé dans sa cabine sans manger, Middleton est submergé par les vagues qui viennent s’éclater sur le hublot de la cabine. Serge qui après 15 jours de déboires est épuisé n’en peut plus. Il se prépare au retournement et met son casque, se cale et cale tout son matériel dans Middleton. Il va faire plusieurs « loopings » mais Middleton auto-redressable se remet d’aplomb et continue à encaisser cette mini tempête. Sur le Far Scotsman, ce n’est pas facile non plus, Serge apprendra que l’équipage n’a pas pu dormir cette nuit là et la moitié d’entre eux vomissaient.
On dira que Serge est arrivé au mauvais moment au mauvais endroit mais quoiqu’il en soit Pemba ou Palma n’était pas possible et cette dérive nord le menait tout droit au large du Kenya ou de la Somalie.
Cette traversée du Canal du Mozambique est une aventure en soit où tout à été de travers dès le premier soir lorsque le cap a été pris trop tôt par Serge ( il y avait du vent d’est, Serge avait peur d’être top près des côtes et de se faire rabattre à marée descendante et le cap était un peu flou à partir de 18H00, ce soir là). Bref, Serge est parti dans un tourbillon infernal comme en atteste le tracé sur le site. Et là, l’épuisement a commencé, Serge se levant 12 fois par nuit pour aller régler son safran, ramant comme un damné pour tenter de sortir de cette impasse. Au bout de 6 jours, on décide de lui apporter des solutions sachant qu’à ce moment là, les routeurs me disent qu’ils n’auraient pas dû attendre aussi longtemps. Je commence à m’intéresser aux cartes de Sat Ocean pour mieux comprendre.
Le 28 avril, après 6 jours de lutte. 3 options sont proposées:
– Trouver un bateau depuis Madagascar et tracter Serge sur 15 km. Serge est passé à 15 km des bonnes conditions de vent et de courant (cela laisse rêveur lorsque l’on connaît la suite). Mais vous aurez compris que l’on ne trouve pas un bateau comme cela dans les pays d’Afrique et que nous n’avons pas trouvé de bateau d’assistance comme nous l’avions envisagé avant le départ de Majunga.
– Retour sur Majunga et prendre un nouveau départ
– Option Nord proposée par Maxime et Xavier de Sat-Océan, d’après leurs statistiques, cela est possible d’arriver sur Pemba mais une question se pose: Middleton peut-il y être accueilli ? En 15 minutes, j’ai la réponse oui, le bateau peut y être réceptionné. Serge leur rappelle que Middleton sur les vents de travers n’a que peu d’amplitude de manoeuvre et leur demande combien de jours cela prendra- 13 jours et ils prennent bonne note de la sensibilité de Middleton avec sa haute cabine par vent de travers. L’option nord est validée par tous.
Serge remonte de façon fulgurante, les alizés sont là, le courant fort et favorable. 100 milles nautiques parcourus en 2 jours. Problème d’eau résolu par le CROSS, auquel nous renouvelons nos remerciements. Puis là, le stress recommence, Mayotte puis Grand Comores, il ne faut ni être trop prêt, ni trop loin puis le passage de Grand Comores. Serge rame, Serge cogite, Serge avance et n’a pas confiance, les nuits sont de mauvaise qualité, beaucoup de bateaux (et pas les petites navettes de clandestins) de gros bateaux sans lumière qui viennent pêcher la nuit de façon illégale, tenir un cap, ne pas trop dériver pendant la nuit. Un état nauséeux quasi permanent, une fatigue physique qui s’accumule jour après jour en même temps que la tension nerveuse. Et puis la promesse d’une arrivée vendredi soir, peut-être un peu optimiste ou hâtive qui devient vite dimanche soir et la météo qui se gâte, je réalise vendredi matin qu’il faut vite partir et agir car Serge file plein nord. Un courant portant après Grand Comores qui devait le mener tout droit dans la bonne direction mais que les alizées du Sud-Est contrarie. Middleton à une marge de manoeuvre de 20° sur des vents de travers il ne peut remonter le vent lorsque celui-ci le frappe à 90°. Impossible. Serge rame et les routeurs pensent qu’il ne rame pas. Je me rends compte qu’il y a un grand décalage entre la réalité sur le terrain que Serge vit avec son Middleton qui n’est pas manoeuvrable et ce que nous voyons sur le tracker et les cartes.
Manque de bol, le téléphone Inmarsat tombe en panne le jeudi matin, les batteries montrent des signes de faiblesses et le temps se gâte. On ne parle pas de la tempête du siècle mais suffisamment importante pour que les petits bateaux ne prennent pas la mer surtout les petites embarcations de plaisance. Serge en se retournant avec Middleton a perdu une partie de sa réserve d’eau et puis cette dérive dingue le mène où …..
Le canal du Mozambique est un enchèvretement de vents et de courants, la route sud manquée, cette route nord était ambitieuse voir impossible ou avec de la chance, que Serge n’a franchement pas eue. Une multitude de petits éléments qui viennent se coller les uns aux autres et Serge qui part direct en Somalie. C’est le comble. Le laisser dériver pourquoi pas dans un océan avec de l’espace en sachant qu’il y a de la place et que vous n’allez pas tout droit dans des zones actives de piraterie (pour info le bateau qui secouru Serge a 2 bateaux escortes avec 8 militaires à bord lourdement armés! En ce moment sur la zone de l’Océan Indien, 3 navires militaires français. On peut se poser la question pourquoi?) Bref, que faire de Serge en Somalie et que faire s’il manque d’eau, s’il s’assomme lors des retournements de bateau jusqu’à dimanche que cela se calme. Serge est dans un état de dénutrition avancée, combien de temps aurait-il tenu à ce rythme. Il ne pensait même plus qu’il pouvait manger, ni à la faim, me dira-t-il?
Si Middleton avait pu être remorqué, nous aurions pu envisager de continuer même si pour les puristes il aurait manqué des milles nautiques qui n’auraient pas été ramés, tout étant toujours sujet à caution. Alors voilà, la question ne se pose même pas. Middleton « is Lost » et la malchance nous poursuivant même sur Terre, il est temps d’arrêter et de rentrer à la maison. L’issue de cette histoire aurait pu être dramatique si nous n’avions pas agi, elle n’est certes pas réjouissante mais voilà Serge a dû atteindre ses limites physiques et mentales. Et la route va être longue pour celui qui n’est pas allé au bout de ses rêves!